Loi Élan, accessibilité et logement évolutif : à travaux simples, contentieux complexes ?
Avec un peu de retard sur l’entrée en vigueur du décret « accessibilité » du 11 avril 2019 issu de la loi Élan du 23 novembre 2018, l’arrêté définissant les « travaux simples » permettant l’évolutivité des logements, a finalement été publié au Journal officiel du 18 octobre.
Les attentes (et appréhensions) étaient grandes côté associations représentatives des personnes handicapées, déjà douchées lors du vote de la loi Élan, qui prévoyait initialement de passer de 100 % à 10 % de logements accessibles dès leur construction – pour finalement retenir un quota de 20 %. Porté par la loi Handicap de 2005, le concept d’accessibilité universelle a ainsi été enterré pour faire place à une nouvelle notion, celle de « logement évolutif », visant à faciliter sa mise en accessibilité moyennant des « travaux simples ». Une réponse pragmatique aux doléances des professionnels de la construction.
L’obligation d’accessibilité réduite à 1/5e des logements neufs
Concrètement, les demandes de permis de construire des immeubles de logements neufs doivent, depuis le 1er octobre, intégrer ce quota de 20 % (et au moins un logement) de logements accessibles, pour les appartements situés au rez-de-chaussée, ou en étages desservis par un ascenseur. Les 80% restants doivent simplement être « évolutifs », c’est-à-dire « permettre la redistribution des volumes pour garantir l'accessibilité ultérieure de l'unité de vie, à l'issue de travaux simples » (art. 64 de la loi Élan), afin que des personnes à mobilité réduite puissent circuler et utiliser le séjour et les toilettes.
Le décret du 11 avril 2019 est venu préciser la notion centrale de « travaux simples » dans le cadre de ce nouveau dispositif. Pour entrer dans cette catégorie, le texte énonçait déjà que les travaux à réaliser pour rendre le logement accessible devaient être « sans incidence sur les éléments de structure et certains réseaux encastrés en cloisons » (art. R. 111-18-2 modifié du Code de la construction et de l’habitation).
Autre précision du texte à destination des constructeurs : « pour une même typologie de logements, la surface moyenne des logements évolutifs ne peut être inférieure, lors de leur conception, à la surface moyenne des logements qui sont accessibles dès la construction ».
Évolutivité = réversibilité en Vefa
Très attendu, l’arrêté du 11 octobre va plus loin : outre l’absence d’incidence sur les éléments de structure, les travaux dits « simples » ne doivent « pas nécessiter une intervention sur les chutes d'eau, sur les alimentations en fluide et sur les réseaux aérauliques situés à l'intérieur des gaines techniques appartenant aux parties communes du bâtiment ». Ces travaux ne doivent pas non plus « intégrer de modifications sur les canalisations d'alimentation en eau, d'évacuation d'eau et d'alimentation de gaz nécessitant une intervention sur les éléments de structure », ni « porter sur les entrées d'air », ni « conduire au déplacement du tableau électrique du logement ». Une définition qui correspond à celle fixée par l’arrêté « accessibilité » du 24 décembre 2015 pour les travaux dits « modificatifs », que l’acquéreur peut exiger du promoteur dans le cadre d’une vente en l’état de futur achèvement (Vefa), afin que le logement livré soit « réversible ».
Par ailleurs, l’arrêté du 11 octobre procède à quelques retouches et correctifs des textes régissant l’accessibilité des logements, afin de les mettre à jour de la réforme Élan. En particulier, la référence à l’installation ultérieure d’ascenseurs dans les immeubles de plus de 15 logements situés en étage est supprimée de l’arrêté « accessibilité » de 2015.
Autre nouveauté de la loi Élan en matière d’accessibilité portée par le décret du 11 avril, en vigueur depuis le 1er octobre : l’obligation pour les constructeurs d’installer un ascenseur dans les immeubles de logements neufs dès trois étages (R+3), « au-dessus ou au-dessous du rez-de-chaussée », contre quatre auparavant (R+4). Une compensation à l’abandon du concept d’accessibilité universelle, qui remet la France à niveau au sein de l’Union européenne, comme a pu le relever le Conseil national consultatif des personnes handicapées, dans son avis sur le projet de décret. Sur l’arrêté du 11 octobre, son verdict sera bientôt rendu public. Le coût des travaux de mise en accessibilité, désormais à la charge du locataire (sauf en logement social), et l’accord nécessaire du propriétaire pour leur réalisation, risquent d’alimenter encore les mécontentements… et les contentieux.
Caroline St-André
Consulter l’arrêté du 11 octobre 2019.
Consulter le décret du 11 avril 2019.
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